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Le Steel Drum, un instrument de révolution sociale et musicale

Le 29 novembre 2024
par Guillaume Cazal
Apparu au milieu des années 1930 sur l’île de Trinidad, le steel drum (ou steel pan) a progressivement gagné le reste du monde, connaissant un véritable essor à partir des années 1990. Cependant, au-delà de l’image parfois exotique et festive que l’instrument peut véhiculer, il se révèle avant tout être un puissant outil d’apprentissage, offrant une voie d’accès à la pratique musicale collective. À ce titre, il présente des perspectives pédagogiques particulièrement riches, en particulier dans le cadre de l’Éducation Artistique et Culturelle.
© Guillaume Cazal
© Guillaume Cazal

Le steel drum (ou steel pan) est un instrument véritablement révolutionnaire, et ce, à plusieurs égards. Révolutionnaire tout d’abord parce qu’à travers la découverte et la diffusion de cet instrument, les habitants de Trinidad ont développé des dynamiques sociales et politiques qui ont joué un rôle déterminant dans l’obtention de leur indépendance dans les années 1960. Révolutionnaire ensuite parce qu’il est rare dans l’histoire de la musique de voir la naissance d’un instrument mélodique issu du détournement, voire du recyclage, d’un objet usuel – ici, un simple bidon de pétrole. Enfin, et c’est là l’aspect le plus marquant, le steel drum a été conçu dès ses origines pour une expression musicale collective, sa vocation première étant le jeu en groupe.

Le steel drum existe sous différentes tessitures et peut être utilisé de multiples façons. Dans sa version « portable », chaque musicien joue sur un seul bidon, qui peut être accordé dans différentes configurations : une basse pentatonique, un « guitar » diatonique, un « second » d’une octave et demie chromatique, ou encore un « tenor » de deux octaves et demie chromatiques. Ce sont ces instruments qui sont utilisés au Conservatoire Maurice André d’Alès Agglomération depuis 2021.

L’enseignement du steel drum se dispense exclusivement de manière orale. Cette approche, combinée à une relative simplicité technique, permet des résultats rapides et, surtout, favorise l’inclusion de musiciens de niveaux variés au sein d’un même groupe. Les barrières classiques d’apprentissage, liées à la maîtrise d’un instrument traditionnel, sont ainsi abolies, et chaque musicien, quel que soit son niveau, peut participer pleinement à l’expérience collective. On peut dire que, par rapport à une pratique musicale plus conventionnelle, les cartes sont ici entièrement rebattues. Il est ainsi possible d’obtenir de jeunes enfants ou des débutants capables de jouer des structures rythmiques complexes (syncopes, polyrythmies…) sans que la compréhension théorique ou des prérequis techniques ne fassent obstacle.

Le steel drum offre également une grande variété dynamique, comme la plupart des instruments à percussion, ce qui le rend extrêmement polyvalent sur le plan stylistique. Aucune contrainte esthétique ne s’impose donc : les possibilités d’arrangements sont vastes, allant de la musique orchestrale au jazz, en passant par les musiques actuelles, et bien entendu le répertoire traditionnel des Caraïbes.

Au Conservatoire Maurice André, un plan d’investissement, axé sur le développement des activités proposées, a permis l’achat de 36 instruments. Deux ateliers sont organisés dans les locaux : l’un destiné aux enfants dans le cadre du cursus, sous forme de cours collectifs « à la carte », également ouverts aux élèves qui souhaitent s’inscrire spécifiquement à cette pratique ; l’autre atelier s’adresse aux adultes dans un cadre amateur autonome. Il est intéressant de noter qu’aucun déséquilibre ne résulte de cette diversité de niveaux : la pratique collective et le partage d’instruments créent un véritable sentiment d’égalité. Les ateliers sont animés par Isabelle Maurin-Duvernet et Léo Richiardi, deux enseignants passionnés du Conservatoire.

Depuis la rentrée 2024, un nouveau projet a vu le jour au sein du Collège Jean Moulin. Cet « orchestre au collège » est le fruit d’une collaboration étroite entre les équipes pédagogiques du collège et du Conservatoire, visant à créer un lien avec les orchestres à l’école déjà mis en place au primaire. Mené par Romain Baudry et Léo Richiardi, tous deux enseignants au Conservatoire, avec la participation de Stéphane Bernate, professeur au collège, ce projet marque un véritable partenariat pédagogique et artistique entre les deux institutions, soutenu par la politique de la ville et l’association Orchestre à l’école. Une quinzaine de collégiens de 6e participent à cette aventure musicale, qui les accompagnera jusqu’à la fin de leur scolarité en 3e. Ils auront pour mission de créer et faire progresser un orchestre, de s’approprier les codes sociaux et artistiques qui y sont associés, et de se produire régulièrement, tant au sein de leur établissement que dans des concerts partagés avec d’autres ensembles du Conservatoire ou des artistes invités. Les bienfaits d’un tel projet à long terme sont multiples. Il aide les élèves à développer des compétences essentielles, telles que la cohésion, la concentration, l’altruisme, l’entraide et la confiance en soi.

Les possibilités offertes par le steel drum, tant en termes d’accessibilité à la pratique musicale dès le plus jeune âge que de polyvalence artistique, en font un instrument particulièrement attractif. Il a su conserver intactes ses vocations premières : rassembler sans distinction, faciliter l’apprentissage et encourager les échanges. Autant de valeurs qui résonnent aujourd’hui avec des enjeux sociaux et éducatifs particulièrement actuels !

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